Compte tenu de la crise, de la désindustrialisation et du développement de la démographie, avec une lourde fiscalité, la décroissance ne semble pas viable[1] « nous aurons un pays à redresser comme le souligne Nicolas Bouzou avec son cortège de faillites qui ont lieu selon les moyennes des prévisions statistiques 6 mois après les crises.
Une croissance basée sur le développement durable et de l’intelligence artificielle offrent une solution visionnaire qui soutiendrait nos générations futures de nouveau réendettées. En 2020 sur un Budget de dépenses de 343 milliards (nous n’aurions que 250 milliards de recettes au passage) nous n’avons que 15 milliards d’investissements (4,3%) et 105 milliards (31%) pour les interventions… le reste 65% (Personnels, fonctionnement, opérations financières dettes, dotations)[2]
Si nous nous attardons en France sur la perte de vitesse des Etats-Unis [3] et leur domination depuis plus d’un demi-siècle c’est vite oublier l’accélération du rattrapage des pays asiatiques : 20 milliards USA, 12 Milliards la Chine, et près de 5 Milliards pour le Japon. L’Union Européenne n’est forte que par sa communauté ( avec 18 Milliards) son fer de lance l’Allemagne étant au mieux à la tête de 4 Milliards (Source FMI, Banque Mondiales pour 2018)[4].
France Stratégie a ouvert un espace de réflexion pour le « jour d’après » [le crise sanitaire 2020], ce qui m’a incité à vous proposer ces quelques lignes sur le nouveau modèle à imaginer.
Cette crise du Covid-19 a souligné les manquements de notre modèle.
[1] https://www.lefigaro.fr/economie/nicolas-bouzou-economiste-nous-aurons-un-pays-a-redresser-20200502
[2] https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/actualites/2020/direction-budget-a-publie-edition-2020-budget-etat-vote-en-quelques-chiffres
[3] https://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Fin_du_leadership_am__ricain__-9782348045653.html
[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_PIB_nominal
Un développement des services conjointement à une désindustrialisation et des délocalisations.
L’Europe a souhaité faire vivre ses populations sur le luxe, les services et le Tourisme (cf doc fr) tout en maintenant un fond d’industrie la plus taxée en Europe. Les pays européens se sont spécialisés dans tel ou tel secteur. La crise révèle que ce système est fragile et rappelle que les activités vitales ou sensibles doivent rester locales.
Tout cela avec une forte fiscalisation, une urbanisation et une exigence de mobilité croissante avec son corollaire de normalisations pour y faire face.
Outre les interrogations légitimes que la gestion de cette crise pose, une transformation de modèle en profondeur qu’elle amène à étudier et peut être à mettre en œuvre, ne sera pas simple.
L’homme a toujours été en contact avec la nature. L’urbanisation nous l’a fait oublier, mais les acteurs des secteurs agro-alimentaires le savent bien. Le problème n’est pas à mon sens le contact avec la nature, mais la façon dont ce contact se produit et son manque d’écologie comme l’a souligné l’article de Sonia Shah dans le Monde Diplomatique de mars 2020. Il faudra tâcher à le renouveler.
Sans pour autant remettre en cause l’industrie alimentaire dans son entier. En effet, il ne faut pas oublier qu’elle a permis (Amirault, 2017)[1] à un nombre toujours croissant d’individus de se nourrir.
On aurait voulu un commandant de bateau, nous avons eu un pilote de course. L’art de de diriger ce n’est pas que prendre des décisions de pilote, c’est aussi être visionnaire. La lenteur de la prise conscience a transformé cette gestion de crise en une succession d’injonctions paradoxales. L’uniformisation de la pensée aurait dû laisser place à la pluricité d’approches complétées par une communication de crise adéquate en flux tendus : mesures de précautions qui auraient évité ce pugilat. Mais les mesures de précautions passent pour farfelues, jusqu’au-boutistes en France, alors on ne les a pas prises, et ce manquement a été justifié par des chiffres tendant à prouver que cela n’avait pas d’impacts : les impacts nous allons les connaître aujourd’hui économiquement et socialement et ce de façon durable.
Il ne faudrait donc pas laisser passer trop de temps à nouveau afin de mettre en place un nouveau modèle économique et sa déclinaison.
Quels risques serions-nous prêts à prendre et quels coûts pour s’en prémunir ?
En réalité il faut se dire que l’on ne peut pas tout prévoir. Avec une fiscalité déjà très lourde, il me semble qu’un appel à la vigilance et à la capacité d’anticipation et de préparation me semblent plus pertinents. Surtout que les risques mentionnés dans l’étude existent déjà, – d’ailleurs un bon assureur vous direz que ceux sont des risques prévisibles – assurés différemment 😊– En effet, nous savons comment ils se produisent, il est donc possible de mettre en place les dispositifs pour observer les signaux faibles qui les annoncent et les équipes pour les gérer.
D’ailleurs la Grèce qui a connu une situation économique à laquelle nous avons échappé de peu a fait preuve d’une grande maîtrise de sa crise sanitaire : elle y a été contrainte, puisqu’elle ne pouvait pas y faire face financièrement et matériellement.
Les plus précaires s’avèrent les plus touchés. Notre modèle est malade depuis longtemps. En 1995, le gouvernement conseillait aux jeunes de partir à l’étranger. L’euro de 1998 a multiplié les prix par 6, le panier moyen de l’INSEE repris par Ségolène Royale, ne faisait qu’illustrer le côté décalé de la situation vis-à-vis des individus déclassés : Sarkozy assuma de les nommer et dépité annonça « nos enfants vivrons moins bien que nous ». C’est Rocard qui rappela que la classe moyenne était nécessaire au moteur de l’économie. Les commerçants et les entreprises en ont profité et bien profité pour ceux qui ont pu en plus délocaliser à l’étranger. La crise d’internet et le 11 septembre enraya la machine pour un temps.
La crise de 2008 a permis de sauver les banques, pas du chômage. Toujours plus généreux nous avons accru les aides pour les plus démunis, tandis que la trentaine de pourcent de la population active devait tenir le choc pour tirer la France à qui on faisait profiter de la 2CV habillée de la carrosserie d’un Dacia Duster pour l’encourager à croire que le modèle survivait à défaut la mobilité douce électrique s’est accélérée : ne pas freiner le mouvement[2].
En 2008 on s’attendait à un nouveau modèle social. Il n’est pas venu. On a privilégié l’innovation dans les NTIC, le social et l’écologie et cette crise le conforte. Nous allons peut-être manquer le coche avec l’Intelligence artificielle alors que Cédric Villani[3] dans son rapport de 2018 rappelait nos atouts.
Notre modèle social est en crise car les premiers de cordés et les suivants sont étouffés. Impossible de les faire émerger.
On préfère mettre la société sous perfusion. Nous sommes en train de devenir un zoo[4]. Alors c’est certain il n’est pas question de préférer une jungle… mais le zoo condamne les animaux à se révolter si les soigneurs ne continuent pas à les nourrir.
Alors afin d’échapper aux kolkhozes dont on nous vante les mérites, l’on pourrait peut-être ouvrir les portes à tour de rôle – j’écris cela car sinon on va me dire que le tigre va manger la belette…- afin de libérer les initiatives individuelles, favoriser, les échanges et le troc source de l’économie depuis la nuit des temps ainsi que la monnaie, unité de compte avant tout : que vous soyez Keynésien[5] ou Friedmanien[6].
Quelle économie serait soutenable ?
Récréer de la richesse en France en innovant de façon durable et en suivre les résultats. Au lieu de tacler les dividendes encourager à l’autofinancement et aux réinvestissements. Re déployer nos savoir-faire, relocalisés certains quand cela est pertinent économiquement et socialement. Tout en pilotant notre bénéfice /coût balance extérieure et en respectant le développement durable.
Arrêter de focaliser sur un modèle mais privilégier la pluralité et inciter à utiliser le plus adéquat en fonction des situations. Aujourd’hui les études montrent aussi le coût des véhicules thermiques ou électriques et leur impact environnemental.
La crise a reposé le débat des corporations. Les membres d’une même corporation se soutiennent ou pas. La crise a montré que des voix différentes pouvaient apporter différentes solutions et que ces solutions n’étaient pas antinomiques mais complémentaires. Le scandale des masques a montré une formidable agilité contrecarrée par une terrible lourdeur administrative.
Non seulement les nouvelles technologies de la communication permettent de se tenir informé et tenir informé une grande partie de la population de la variété des solutions. Elles révèlent le manquement des modèles corporatistes, et la délicate mise en œuvre de l’intelligence collective. Les NTIC vont être aussi un des moyens pour faire face à la crise, continuer à travailler tout en assurant un modèle sanitaire viable. Mais ces activités ne sauraient se passer de l’économie réelle. Cette crise remet de façon aiguë à leur place les différentes activités économiques.
Elle est aussi le moment pour en faire émerger de nouvelles : pour cela il faut faire le bilan de nos erreurs, observer notre environnement et ses besoins, mais aussi initier de nouvelles entreprises inimaginables – tous les besoins ne sont pas forcément, identifiés, verbalisés voire même concevables, nous devons aussi être visionnaire pour les générations futures que nous allons laisser avec un fort endettement. C’est le moins que l’on puisse faire.
Pour cela il faut changer nos modes de pensée, dépasser le prêt à penser, ou tout du moins s’ouvrir à d’autres modèles pour créer de nouveaux paradigmes : j’insiste, pas qu’un seul, mais plusieurs.
Car toutes les énergies vont être bonnes à prendre. Car cette crise n’a rien à voir avec celle de 2008 qui était celle d’un microcosme bancaire que du reste on a sauvé de ses propres errements : les dites banques s’étaient déjà prémunies des risques de cette crise en transférant les risques qu’elles avaient pris auprès de tiers (Hedge Funds).
Cette crise est bien plus profonde : elle a mis tout le monde à l’arrêt après des salves répétées des gilets jaunes et de multiples grèves et protestations larvées (urgentistes, infirmières, policiers, pompiers..).
La vérité c’est que le salaire médian permet tout juste de payer un loyer et de se nourrir. Quel avenir veut-on pour nos jeunes ? Continuer à les endetter, je ne crois pas qu’une planète à l’arrêt leur permettra de vivre ni en décroissance alors que la démographie connaît toujours un trend positif.
Ce qui reste rassurant est que la nouvelle génération, qui vit dans l’instantanéité permanente, aura la capacité à vivre au jour le jour.
Docteur Catherine Pouget-Cauchy
Université Paris-Dauphine
Présidente de Spinova
[1] Pour une république de Citoyens Entrepreneurs – Tallandier, 2017, de Dominique Amirault
[2] Le mouvement aux sources de la modernité : Georg Simmel, Philosophie de la modernité 1 : la femme, la ville, l’individualisme, Payot, 1988.
[3] https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid128577/www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid128577/www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid128577/rapport-de-cedric-villani-donner-un-sens-a-l-intelligence-artificielle-ia.html
[4] Dans la jungle ou dans le zoo est un album studio de Jean Ferrat sorti chez Temey en 1991.