Le Design thinking en 5 points
Le Design Thinking offre des balises rassurantes et qui ont fait leur preuve permettant de rester optimiste sur l’issue du processus. On en parle beaucoup… qu’est-ce que c’est, d’où vient son succès ?
Catherine Pouget
Docteur de l’université Paris Dauphine - En sciences de gestion et cognition
Présidente de Spinova
Une méthode créative qui part de la forme
C’est la méthode des designers, qui favorise la créativité pour développer un produit.
- La forme, contrainte créative
Elle part de la forme, de l’allure générale du produit souhaitée afin de définir attributs et fonctionnalités. Se faisant elle intègre les attentes des consommateurs sans brider la créativité. Forte de son succès dans les produits puis les services elle a été utilisée pour mettre au point des processus et même des stratégies.
Selon son instigateur, Tim Brown, elle consiste simplement à s’inspirer de la façon de travailler des designers. Elle part d’une première image, une première façon de faire, une première orientation qui n’est pas définitive. C’est cela sa force. C’est ainsi que Steve Jobs a dit à ses équipes « créez moi le Sony d’Apple ». L’Iphone allait devenir un succès sans précédent. D’autant plus que le design des Sony à l’époque avait le vent en poupe, et les atouts de diffusion technologiques d’Apple leur a donné une longueur d’avance.
2. Diversité de l'équipe
La méthode s’appuie sur des groupes de réflexion qui ont la particularité d’être pluridisciplinaires et multi-culturels afin de croiser différents modes de pensée (ingénieurs, créatif, diagnostic) et différentes approches en s'appuyant sur des sachants issus de divers secteurs d'activité.
Cela permet de ne pas se focaliser sur tel ou tel aspect, de confronter les points de vue, d'enrichir la réflexion, d’intégrer les modifications et de tenir compte des remises en cause. En bref muscler une idée originale.
3. Initiation de la réflexion
L’avantage de partir de la forme c’est aussi de faciliter l’initiation de la réflexion. Ce n’est pas facile de partir d’une feuille blanche, l’écrivain le sait bien. En revanche partir d’une première forme c’est déjà un pas. Elle permet de partir d’une sorte de référence, de stimuler la créativité. En effet une forme n’est pas forcément que contraignante et peut être vue comme un stimuli de la créativité à dépasser.
4. Méthode et Méthodologie
La méthodologie va plus loin, à l’origine elle s’appelait IDEO : Faire preuve d’empathie, définition, idéation, prototype, test, implémentation et inspiration, imagination, mise en place.
En plus des recommandations pour constituer des groupes de réflexion pluridisciplinaires et multiculturels ils doivent être aussi trans-sectoriels et intergénérationnels. C’est en réalité une façon de combiner la pensée créative et de résolution de problème. mais en donnant quand même la primeur à la démarche rationnelle en partant d’une « première forme », d’un premier besoin ou souhait. Elle ne laisse pas tout à fait court à la libre imagination[1]… ce qui est rassurant pour le management.
5. Etre coach en intelligence collective est-il suffisant pour animer la méthode ?
Ce type de méthodologie nécessite un peu d’organisation afin de travailler fructueusement ensemble : un même vocabulaire ou tout du moins compréhensible par tous, quelques règles pour rythmer le travail et quelques principes communs pour que cela fonctionne. Mais surtout un chef d’orchestre à la fois créatif et conceptuel, individuel et collectif, médiateur de conflits pour en tirer les fruits, coach de résolution de problème pour garder le fil tout en restant imaginatif. En bref un mouton à 5 pattes ....
Ces quelques éléments rappelés et étoffés il reste que la méthodologie à l’origine IDEO incite à reproduire le cycle de réflexions de base comme en architecture en ingénierie ou en recherche (faire preuve d’empathie, définition, idéation, prototype, test, implémentation) afin d’enrichir, modifier et pourquoi pas remettre en cause la réflexion et le résultat. Le processus créatif est déstabilisant, la méthodologie IDEO et le Design thinking offrent des balises rassurantes et qui ont faire leur preuve permettant de rester optimiste sur l’issue du processus.
Et puis il ne faut pas oublier qu’il y a le découvreur, l’inventeur, le technologue qui ne seront pas toujours l’innovateur qui met au point et qui diffuse le nouveau produit (service, processus, stratégie...) lourde tâche de ceux qui cherchent à faire évoluer les esprits pour faire adopter les innovations.
Pour conclure il faut garder à l'esprit qu'aujourd'hui innover n'est pas un processus si linéaire, et que les technologies de la 3D et les technologies de communication permettent d'abaisser les coûts d'innovation et d'intégrer dans le processus encore davantage les futurs clients ou utilisateurs qui dans un marché pléthorique aux structures de coûts parfois difficiles à remettre en cause deviennent les premiers donneurs d'ordre ou instigateurs...
Source :
BROWN T. (2008), Design Thinking, Havard Business Review
FINKE R., WARD T. et SMITH S. (1992), Creative cognition: Theory, research and applications, MA, MIT Press.
GARDNER H. (2007), Faire évoluer les esprits, en politique, dans l’entreprise, et dans la vie privée, Odile Jacob, Paris, 338 p.
THOMKE S. et VON HIPPEL E. (2002), Customers as Innovators, avard Business Review
ZEISEL J. (1997) - Inquiry by Design: Tools for Environment-Behavior Research (Environment and Behavior Series 5) - Boston, MA: Cambridge University Press